LE TRAITE DE LISBONNE
Avant-propos Le traité de Lisbonne est actuellement en cours de ratification par les 27 Etats membres de l’Union Européenne. Il devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2009.
Ce billet est articulé autour de deux axes.
Dans un premier temps, il s’agira de dresser la liste des apports de ce traité. Cette partie que je titre "Quelles nouveautés dans le Traité de Lisbonne ? " (1), a pour objectif de vous fournir un état des lieux (si possible) clair et objectif des principales dispositions que contient le texte.
Ensuite, j’entrouvrirai la porte sur quelques réflexions dans la partie "Quelle ambition pour l’Europe ? " (2).
1. Quelles nouveautés dans le Traité de Lisbonne ?
Tout d’abord, je tenais à vous préciser que la lecture du Traité de Lisbonne requiert beaucoup d’attention(!). Il ne s’agit pas d’un texte facile à lire. Le titre long est en ce sens assez éloquent :
Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne.
Formellement, il se présente donc comme un texte qui vient s’ajouter et amender les deux autres traités qui restent en vigueur. La gymnastique d’avoir à jongler avec trois textes s’impose.
Pour ceux qui voudraient en juger sur pièce, le texte intégral du Traité de Lisbonne est consultable: ici
Allons au-delà de ces remarques et attachons-nous à la substance du texte…
1.1 Un fonctionnement décisionnel plus efficace et démocratique dans une Europe élargie à 27.
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Limitation du nombre de commissaires à un nombre égal aux deux tiers des États membres (soit 18) ; pour mémoire, actuellement, chaque État dispose d’un commissaire.
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Le Conseil Européen, actuellement présidé tous les 6 mois par un État membre, aura un président élu à la majorité qualifiée du Conseil pour deux ans et demi.
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La Majorité des décisions au Conseil sera prise à la majorité qualifiée basée sur une double majorité (nouvelle modalité de calcul : 55% des États de l'Union représentant au moins 65% de la population totale de l'Union).
Cette règle ne sera toutefois pas applicable avant 2014, voire 2017.
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Droit d'initiative citoyenne permettant à un million de citoyens de plusieurs États membres d'inviter la Commission à présenter une proposition dans les domaines de compétence de l'Union.
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Les droits et obligations des parlements nationaux sont confortés.
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Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité représentera l’Union à l’extérieur.
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L'Union disposera de la personnalité juridique, possibilité donc de négocier et de conclure des traités.
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Baisse du nombre d’élus au Parlement européen de 785 membres actuellement à 751 maximum.
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Pouvoirs du Parlement renforcés (justice et affaires intérieures, budget, approbation des accords internationaux fonction de contrôle politique de la Commission).
1.2 L'affirmation de quelques grandes valeurs est établie ou confortée
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La Charte des droits fondamentaux acquiert une valeur juridique contraignante pour 25 des 27 pays (sauf pour le Royaume-Uni et la Pologne)
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Principe d'une solidarité entre les États membres en plusieurs domaines : lutte contre l'immigration clandestine, approvisionnement énergétique, sécurité vis-à-vis de l'extérieur, terrorisme, catastrophes.
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Dimension sociale prise en compte dans toutes les politiques de l'Union.
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La protection de ses citoyens est un nouvel objectif de l'Union dans ses relations avec l'extérieur.
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Les États candidats à l'entrée dans l'Union doivent respecter ses valeurs et une clause de retrait est introduite.
2. Quelle ambition pour l’Europe ?
Le blocage de la construction européenne après les NON exprimés par les peuples français et néerlandais durait depuis 2004.
A mon sens, il s’agit de la plus sévère crise qu’aura traversé l’Union depuis ses débuts.
Pour autant, il convenait de débloquer la situation.
Mais comment faire ?
La difficulté tenait grosso modo au fait qu’il fallait tenir compte à la fois du refus exprimé par deux peuples mais aussi de l’approbation qui avait été exprimée par d’autres États sur le même projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TECE).
Le Président de la République qui a été élu le 6 mai 2007, comme les principaux candidats, dont François Bayrou, s’étaient tous engagés à œuvrer pour débloquer la situation.
L’objectif était commun mais des divergences sur les modalités pour y parvenir se sont opposées. La plus flagrante étant l’option qui serait retenue pour une ratification d’un futur texte (référendum ou ratification par le Parlement réuni en congrès).
La question ne se posait plus dès lors que Nicolas Sarkozy a été élu. On connaissait sa position, ce serait la solution par la voie parlementaire qu’il retiendrait. Dont acte.
La seconde moitié de l’année 2007 aura donc été marqué par des négociations serrées.
Sans entrer dans tous les détails, je voudrais simplement souligner un détail qui en dit long sur la difficulté à parvenir au résultat attendu et l’état d’esprit général.
Comment allait-on appeler le futur texte ?
Mini traité (au risque de le faire apparaître comme un traité au rabais), traité simplifié (mais c’était de facto reconnaitre que le projet initial de TECE était compliqué), traité modificatif (de quoi ?), Plan B (formule qui sonnerait comme un repli)…
Un second point que je souhaiterais évoquer avec vous consiste à nous interroger sur la perception qu’en ont nos concitoyens dans notre pays.
Car voilà, si le résultat est là, la ratification a été votée par le Parlement réuni en Congrès le 4 février dernier, nombreux seraient ceux de nos concitoyens qui s’estiment avoir été tenus à l’écart du processus. Une ratification sans gloire ?
S’agirait-il d’un traité ressenti comme un texte voté à la sauvette ? Loin des citoyens ?
Si tel était le cas, nous devrions redoubler de pédagogie pour expliquer que si les avancées sont certes mesurées, elles n’en demeurent pas moins des avancées.
Pour conclure ce billet, je citerai Monsieur Giscard d’Estaing qui présida la Convention sur l’avenir de l’Union.
Je ne serais pas loin de partager l’analyse de Monsieur Giscard d’Estaing sur les points qu’il évoque.
Dans une tribune titrée La boîte à outils du traité de Lisbonne parue dans Le Monde du 17 octobre 2007, Valéry Giscard d’Estaing exprime donc son point de vue sur le texte du Traité de Lisbonne avant sa signature lors du Conseil européen du 13 décembre 2007
[…Dans le traité de Lisbonne, rédigé exclusivement à partir du projet de traité constitutionnel, les outils sont exactement les mêmes. Seul l'ordre a été changé dans la boîte à outils. La boîte, elle-même, a été redécorée, en utilisant un modèle ancien, qui comporte trois casiers dans lesquels il faut fouiller pour trouver ce que l'on cherche.
Il y a cependant quelques différences. Trois d'entre elles méritent d'être notées. D'abord le mot « Constitution » et l'adjectif « constitutionnel » sont bannis du texte, comme s'ils décrivaient des maladies honteuses. Le concept avait pourtant été introduit par les gouvernements eux-mêmes dans la déclaration de Laeken (approuvée à l'époque par Tony Blair et Jacques Chirac). Il est vrai que l'inscription dans le traité constitutionnel de la partie III, décrivant les politiques de l'Union, constituait sans doute une maladresse. L'apparence pouvait faire croire qu'il s'agissait de leur donner une valeur « constitutionnelle », alors que l'objectif était seulement de réunir tous les traités en un seul.
Et l'on supprime du même coup la mention des symboles de l'Union : le drapeau européen, qui flotte partout, et l'hymne européen, emprunté à Beethoven. Quoique ridicules, et destinées heureusement à rester inappliquées, ces décisions sont moins insignifiantes qu'elles n'y paraissent. Elles visent à écarter toute indication tendant à évoquer la possibilité pour l'Europe de se doter un jour d'une structure politique. C'est un signal fort de recul de l'ambition politique européenne…]
Récemment, Jean Daniel a posé, pour sa part, une question assez pertinente dans un éditorial paru dans le Nouvel Observateur du 7 février 2007 :
[…Le plus important est ce que compte faire Nicolas Sarkozy lorsque la France sera, le 1er juillet, présidente de l’Europe. Le tragique affaiblissement de la France pendant trois ans dans les instances européennes a été une catastrophe. Pour y pallier, il ne suffit pas d’avoir facilité le retour de la France, mesure qu’on peut mettre au crédit du président, mais de savoir si l’on a les capacités de rassembler les européens sans arrogance et sans caprices…]
Thierry P.